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No 2

La Joliette, rue des parcs 75, Neuchâtel :

occupée du 14 novembre au 19 décembre 2011 : toujours vide.

Home Bâlois, Chaumont :

occupé du 19 au 22 décembre 2011 : toujours vide.

Villa Maurice Paquette, rue des Pralaz 40, Peseux :

occupée du 21 au 30 août 2012, toujours vide.

Hôtel le Poisson, Marin :

occupé du 21 octobre au 11 novembre 2012 : toujours vide.

Tous ces bâtiments étaient vides depuis au moins une année avant d’être occupés, ils le resteront probablement encore quelques temps…

De son côté, la motion votée par le conseil général de Neuchâtel, suite aux agissements du collectif Ortica, comme toute construction bureaucratique prendra effet dans plusieurs années, si cela arrive un jour.

Cécile Péchu offre dans ce petit livre un aperçu historique et thématique du « squat » compris comme type d’action directe, soulevant tant la question du droit au logement que celle du droit au « vivre autrement ». Des pionniers américains sans titre de propriété, en passant par les « déménagements à la cloche de bois » des anarchistes à la fin du XIXème, traversant la problématique du logement au XXème en Europe puis celle des visées communautaires antisystème de la contre-culture post 1968, la docteure en Science Politique nous retrace fidèlement l’histoire des mouvements « squatteurs », leurs instants de gloire, leurs chutes parfois désastreuses dans la violence et/ou la drogue, leurs rêves, leurs réalités, nous rappelant, et peut-être en avons-nous besoin, la différence conceptuelle entre légalité et légitimité.

PECHU, Cécile, LES SQUATS, Presses de Sciences Po, coll. : Contester, n°8, Paris, 2010.

Le philosophe anarchiste allemand Gustav Landauer, assassiné en 1919 par la force armée contre-révolutionnaire suite à des mouvements de révolte en Bavière, ce qui somme toute en fait un martyr de la cause anarchiste, nous livre, dans « Die Revolution », une philosophie de l’Histoire digne de Hegel.

L’homme, d’origine juive, sera très tôt marqué par Spinoza, Wagner et Schopenhauer. Etudiant l’économie politique, il va par ailleurs se faire une bonne connaissance de la philosophie, notamment de Fichte, Schelling, Hegel et Nietzsche, et également du Socialisme.
Quelques séjours en prison (entre autre pour « incitation à la rébellion ») lui donnent l’occasion d’actualiser des textes de Maître Eckhart, mystique allemand. Il est aussi traducteur du Discours de la Servitude Volontaire de La Boétie, et de nombreux ouvrages de Kropotkine.

Son Anarchie a pourtant un goût bien particulier, qui ne saura satisfaire les plus révolutionnaires d’entre nous. Pour commencer elle est non-violente. Tout comme pour Proudhon, Tolstoï ou encore Gandhi, existe un anti machiavélisme et la fin ne justifie pas les moyens.
Exclus donc des « anarchistes vrais » les terroristes de tous poils, poseurs de bombes et autres prêcheurs de violence nécessaire ou inévitable dans la lutte anarchiste, qui ne font au final que contribuer aux rapports de pouvoir basés sur la violence. Pourtant, cette particularité d’un anarchisme non-violent n’est pas encore suffisante à isoler notre homme. Vient quelque chose de bien plus controversable dans le milieu anarchiste.

Une sorte d’aura mystique entoure celui qui, tout comme Hegel, recherche l’ « esprit » d’un lieu, d’un temps, d’un peuple. Si Marx est celui qui aura su remettre l’homme sur ses pieds, ramenant la vie de l’ « esprit » à un système matériel de production basé sur un rapport de domination entre classes, il semblerait que Landauer n’ait que faire de ce retournement matérialiste et, quant à lui, fasse toujours reposer cet homme sur son « esprit ».
Son Anarchie en tant que création de communautés libres, bien plutôt que sur une lutte des classes, se base sur une « révolution des consciences ». L’anarchie est avant tout un « acte intérieur », une purification qui fait sortir l’individu de ses rapports sociaux sclérosés et lui permet de construire une existence plus libre et plus égalitaire, en dehors de l’Etat.

L’Anarchie donc, pour être un vrai mouvement contestataire, avant d’être politique, ou économique, est un mouvement de l’individu sur lui-même, une sorte de conversion pour parler un langage religieux ne déplaisant pas au traducteur d’Eckhart, conversion sans laquelle l’individu ne pourra mener à bien ni changement politique ni changement économique.
Il faut donc commencer par là : se libérer de soi-même ou se dépasser soi-même, « Ne pas tuer autrui, se tuer soi-même ».1

La Révolution, au sens d’une prise d’arme généralisée renversant un régime en place, pour Landauer, n’est donc pas souhaitable et plutôt que de détruire le système, il faut apprendre à construire sans lui.
Elle n’est pas souhaitable pour deux raisons. D’abord car, en tant que phase de transition, entre une période de stabilité (topie) et une autre, elle tente de réaliser une utopie, qui par définition dès lors qu’elle se réalise n’est qu’une nouvelle topie. L’Idéal, semble-t-il, ne tache jamais assez profondément la matière.

L’esprit révolutionnaire est en ce sens vain, car il ne permet pas de créer l’utopie, mais juste une nouvelle topie, et malheureusement cette nouvelle topie nécessite la plupart du temps un pouvoir tyrannique pour se constituer.
Le tribunal de l’Histoire donne ici raison au penseur de la Révolution et il suffit de jeter son œil sur les espoirs déçus de la Révolution Française, de la Révolution d’Octobre ou encore de la Révolution Culturelle, pour voir la difficulté de créer une utopie à grande échelle basée sur un soulèvement armé.

La seconde raison n’est pas tant à situer dans la nature de la Révolution elle-même, que dans la nature de ce qu’elle essaie d’annihiler. Pour Landauer, ce qu’une révolution armée veut détruire, c’est l’Etat. Pourtant qu’est-ce que l’Etat ?
L’Etat, ce n’est que les rapports sociaux que nous avons les uns avec les autres. Faire un coup d’Etat ne changera pas le fait que, tant que nous sommes tels que nous sommes, nous ne pouvons pas nous passer de l’Etat car il est la manifestation même des rapports que nous avons construits jusqu’à présent.
Il est omniprésent et pourtant évanescent. Il n’est pas une personne. Il n’est pas une chose. Il est rapport. Il est relation.
Aussi donc, on ne détruit pas une relation comme on détruit un objet. Un tyrannicide, semble-t-il, ne sera jamais que l’assassinat du tyran, et non la mort de la tyrannie, qui n’attend qu’un nouvel opportuniste prêt à reprendre le flambeau couplé à une armée de crédules s’agenouillant devant lui pour s’enflammer de plus belle.

Pour détruire l’Etat donc, il faut créer des nouveaux rapports sociaux et agir différemment2. C’est comme cela que l’on peut réaliser l’idéal socialiste.

Mais qu’est-ce donc que le Socialisme pour Landauer ? C’est ce mouvement de pensée qui découvre la Société comme entité distincte de l’Etat et distincte de la somme des individus atomisés.
L’idéal socialiste est donc, pour Landauer qui vise à notre sens juste en ce 20ème siècle débutant, cette tentative de faire éclore une société sans Etat, comme l’a dit le jeune Marx, ou comme l’ont dit également Proudhon et Bakounine (Aujourd’hui, le 20ème siècle aidant, la position socialiste officielle se fait a contrario défenseur de l’ « Etat social » et des « acquis sociaux »).

Restent les révolutionnaires sur leur faim. S’extasient, au sens étymologique de « sortir de soi », ceux qui auront pu voir ici une lucidité perçant en chacun de nous celui qui voudrait être un anarchiste de chaque instant. Le dernier mot sera pour le penseur :

« La vie n’est rien et futile si elle n’est pas pour nous une mer infinie promettant des éternités. »3

1 Gustav Landauer: Anarchistische Gedanken über Anarchismus, in: Die Zukunft, 1901, abgedruckt  in  G. Landauer: Anarchismus: Ausgewählte  Schriften,   Band 2, Licht/ Hessen: Verlag Edition AV 2009,  274-­‐281, hier 276, 279.

2 Cité par Colin Ward dans Anarchism as a  theory  of  organisation, sur : http://theanarchistlibrary.org/authors/Colin_Ward.html.

3 Op. Cit.